Microsoft veut s'offrir Yahoo !
Lassé de voir Google drainer une part croissante de l'audience des internautes, le successeur de Bill Gates à la tête de Microsoft, Steve Ballmer, (ci-dessus) a décidé de contre-attaquer en achetant la firme de Jerry Yang.
Le géant des logiciels fait un pas majeur vers l'Internet.
Dans l'espoir de s'offrir Yahoo!, Microsoft abandonne son aversion traditionnelle vis-à-vis des grandes acquisitions. Le géant des logiciels micro-informatiques compte séduire le numéro deux du secteur Internet, en proposant à ses actionnaires un prix d'achat de 62 % supérieur à celui de la clôture de Yahoo!, jeudi soir.
L'offre, non sollicitée, atteint 44,6 milliards de dollars, un record absolu dans le secteur de la haute technologie. Cette audace reflète la volonté de Microsoft de s'imposer enfin dans le secteur en croissance exponentielle des services Internet où les recettes publicitaires pourraient doubler d'ici à 2010 pour atteindre 80 milliards de dollars.
Steve Ballmer, le PDG de Microsoft, est lassé de voir l'ogre Google drainer une part croissante de l'audience des internautes. Pire, Google écrase ses rivaux avec une part du marché mondial de 77 % dans la publicité sur Internet. Cette position fait de Google une véritable machine à cash. Yahoo!, relégué en seconde position, représente encore 16 %.
En dépit de milliards de dollars investis ces dernières années pour concurrencer ces leaders, Microsoft n'atteint même pas 4 %. Cette portion congrue est indigne de la plus riche firme de haute technologie du monde. Surtout, elle représente une source d'inquiétude pour l'avenir à long terme de Microsoft. En effet, la position dominante de la firme de Redmond grâce à des logiciels comme Windows et Office est de plus en plus menacée. Son échec sur Internet l'a fait passer à côté du plus grand facteur de croissance de son propre secteur.
Ce n'est pas la première ouverture faite par Microsoft à Yahoo!. Dans sa lettre adressée au conseil d'administration de Yahoo!, Steve Ballmer fait allusion aux discussions qui ont déjà eu lieu l'an passé entre les deux firmes. Yahoo! avait alors refusé le mariage. Jerry Yang, le cofondateur de la société, espérait que la nouvelle technologie tardivement mise en place pour doper ses recettes publicitaires (projet Panama) porterait ses fruits. « Un an s'est écoulé et la situation compétitive de Yahoo! ne s'est pas améliorée », affirme Steve Ballmer dans sa missive, comme pour mettre la direction du portail Internet au pied du mur.
Il est vrai que ce dernier est malade. Refuser une offre aussi généreuse serait difficile à justifier auprès des actionnaires. La firme de Sunnyvale (Californie) affiche désormais huit trimestres consécutifs de baisse de ses profits. Les derniers résultats en date, ceux du quatrième trimestre tout juste publiés, montrent un plongeon des bénéfices de 23 %. Depuis deux ans, sa valeur boursière a chuté de 50 %.
La générosité de Microsoft tombe à point pour les employés démoralisés de Yahoo!. Ils viennent d'apprendre la mise en œuvre d'un plan de réduction de 7 % des effectifs. Jerry Yang, qui a repris la direction de la firme depuis le départ l'été dernier de Terry Semel, cherche à faire des économies. Il s'est entretenu jeudi soir au téléphone avec le patron de Microsoft. « Nous évaluerons cette proposition avec attention dans le contexte des plans stratégiques de Yahoo! et nous suivrons le meilleur chemin pour maximiser la valeur à long terme de notre société dans l'intérêt des actionnaires », a ensuite formellement répondu son conseil d'administration.
Steve Ballmer sait à quel point la valeur de sa cible dépend étroitement de la capacité à conserver ses meilleurs ingénieurs. C'est pourquoi Microsoft prévoit des incitations financières importantes pour éviter que les meilleurs éléments de Yahoo! ne quittent l'entreprise. Par ailleurs, dans la mesure où le mariage ne créerait pas de position dominante sur le marché des services Internet, mais au contraire y relancerait la concurrence, Microsoft juge que les autorités réglementaires devraient approuver la transaction au second semestre 2008.
Il reste que les fusions sont toujours risquées. Le mariage tout aussi coûteux que raté entre AOL et Time Warner est dans toutes les mémoires. Microsoft a beau affirmer que l'union se traduira par un milliard de dollars d'économies, les cultures des deux partenaires sont très différentes. Yahoo!, firme de la Silicon Valley ensoleillée, a toujours vu en Microsoft un dangereux monopole issu des brumes de l'État de Washington, trop bureaucratique pour comprendre le monde ouvert et libertaire de l'Internet.
L'échec de Microsoft à générer des profits dans le secteur des consoles de jeux, tout comme sa tentative encore très incertaine de concurrencer Apple sur le créneau des baladeurs numériques sont vus dans la Silicon Valley comme des preuves supplémentaires de l'inadaptation culturelle de Microsoft aux nouvelles tendances, en dépit d'énormes moyens en recherche-développement. En quoi ce lourd héritage serait-il transcendé par l'acquisition si cher payée d'une firme elle-même en crise ? La chute de près de 6 % du cours de Microsoft hier à la mi-séance illustre le doute qui plane sur ce pari. Un doute confirmé au même moment par le gain de seulement 45 % du cours de Yahoo!, bien inférieur à la prime de 62 % offerte par Microsoft.
Par Pierre-Yves Dugua
Source : FIGARO.fr
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